05/12/2010
La Maison du magicien (M. HOOPER)
« Je me trouvai un petit emplacement bien net à l’extrémité du pré communal, tout contre la haie d’aubépines. »
Dernière-née d’une famille pauvre, Lucy rêve de quitter la masure familiale pour entrer dans une demeure de l’aristocratie anglaise, ou – pourquoi pas ? – devenir suivante d’Elizabeth Ière, la puissante souveraine. En attendant, elle vit de menus travaux et aide sa mère à coudre des gants. Mais une mésaventure va l’amener à croiser le chemin du Docteur Dee, magicien particulier de la Reine. Et Lucy découvre alors un univers inconnu pour elle…
Mêlant événements réels et totale fiction, Mary HOOPER réussit un joli roman historique, où elle dépeint une jeune fille déterminée à quitter sa condition misérable pour aspirer à de plus hautes ambitions. Moins sombre que La messagère de l’au-delà, plus facile d’accès, l’histoire est l’occasion d’offrir des descriptions précises de la vie quotidienne dans l’Angleterre du seizième siècle, sans toutefois sombrer dans l’austérité. L’héroïne, sensible, curieuse, audacieuse quand il le faut, nous entraîne à ses trousses dans un monde aussi nouveau pour elle que pour nous.
La narration est alerte et bien menée, les personnages attachants, avec une préférence marquée pour ceux de sexe féminin. C’est Lucy elle-même qui conte son histoire, avec une candeur mêlée de naïveté qui séduira sans aucun doute les jeunes filles à partir de douze-treize ans. Ce roman est le premier d’une série qui se poursuit avec Espionne de sa Majesté et ce premier opus est tout à fait convaincant.
J’avançai de quelques pas et, à mesure que mes yeux s’accoutumaient aux ténèbres, je vis qu’il y avait de lourdes tentures suspendues aux fenêtres et que la salle où j’avais pénétrée était aussi vaste qu’une grange. Voilà pourquoi la pâle lueur de ma pauvre chandelle ne parvenait pas à en éclairer l’autre extrémité. Cependant, je distinguai vaguement le mur opposé qui me semblait couvert d’une série de motifs irréguliers. Je pris d’abord ces motifs pour une sorte de peinture murale avant de découvrir, en m’approchant de plus près, qu’il s’agissait d’étagères chargées d’une quantité de livres – une extravagante quantité de livres. Jamais je ne me serais doutée ni n’aurais imaginé qu’il pût en exister autant dans le monde entier. Il faut dire qu’à la maison, nous n’en avions aucun. Le seul et unique livre que j’avais déjà vu était la Bible de l’église.
Mary HOOPER, La Maison du magicien
Gallimard Jeunesse
285 pages – 12 €
Titre original : At the House of the Magician – Paru en 2007 – Traduit en français en 2008
L’auteur : Mary Hooper est née dans le sud-ouest de Londres, qui sert souvent de cadre à ses romans. La lecture de nouvelles la décide un jour à se lancer dans l'aventure de l'écriture et elle adresse un premier texte à une revue qui le retient pour publication. Mary Hooper n'a dès lors plus cessé d'écrire des romans, qui ont souvent une toile de fond historique. Elle est mariée et mère de deux enfants
Site internet (en anglais) : http://www.maryhooper.co.uk
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24/11/2010
La Belle Adèle (M. DESPLECHIN)
« - Tu ne peux pas faire un petit effort ?
Dans mon souvenir, c’est la phrase qui a tout déclenché. »
Adèle est différente. Parmi les filles de sa classe, au collège, elle est la seule qui ne s’intéresse ni aux vêtements ni au maquillage. Une extra-terrestre. Comme Frédéric, son meilleur ami depuis la maternelle. Lui, c’est sa gentillesse son plus gros défaut ; et son côté « intello ». Le résultat, c’est que les deux sont mis au ban du groupe, malmenés à l’occasion, et que tout le monde trouve ça normal. Jusqu’au jour où les deux amis vont avoir l’idée de se rebeller et de prendre les autres à leur propre piège…
Désormais, ils seront un couple ! Arriveront au collège en se tenant tendrement la main. Resteront discrets sur leur relation, provoquant autant de commérages que d’interrogations. Sauf que le petit couple ne va pas longtemps rester discret.
Une bulle légère, voilà ce que propose Marie DESPLECHIN avec cette Belle Adèle. Le ton est alerte, la narration vive, et les péripéties se déroulent avec fluidité. Ce roman plein d’humour a d’abord été publié en feuilleton à l’initiative de SmartNovel, ceci expliquant cela. Ce qui ne l’empêche pas d’être incroyablement juste quant aux relations des adolescents entre eux et la peinture de cet univers « collégien » extrêmement conformiste et soucieux du regard des autres.
En présentant deux adolescents qui vont finalement jouer le jeu qu’on leur demande, pour mieux s’en détacher, c’est une jolie leçon qu’elle donne aux enfants-adolescents d’aujourd’hui, un peu empêtrés dans toutes ces contradictions qui les assaillent. Tout au plus pourrait-on lui reprocher une fin un peu belle pour être vraie, mais bon, il est parfois bon de rêver un peu...
Un certain nombre de gens, qui d’habitude ne se donnaient même pas la peine de lever la tête pour nous saluer, nous fixaient maintenant avec des yeux de poissons. Leurs regards allaient de nos mains à nos visages, en essayant de trouver une explication raisonnable à ce qu’ils voyaient. Nos sourires passaient pour une manifestation visible de notre nouvelle condition : nous étions transfigurés par le rayonnement de l’amour. Tout cela se déroulait sous un frais soleil de printemps et j’avais le sentiment étrange d’interpréter le premier rôle dans une publicité télévisée pour des chewing-gum.
Enfin, nous sommes arrivés devant la porte du collège. Frédéric m’a lâché la main.
- Je crois que ça suffit. Si on en fait trop, on va perdre notre crédibilité.
Marie DESPLECHIN La Belle Adèle.
Gallimard Jeunesse – Hors-série Littérature
156 pages – 8,50€
Paru en 2010
A lire : une interview de l’auteur pour expliquer sa démarche : http://www.smartnovel.com/video.php?idv=2
L’auteur : Marie DESPLECHIN vit et travaille à Paris. Elle a trois enfants. Auteur de nombreux livres pour enfants et adolescents, comme Verte et Le Journal d'Aurore, elle écrit aussi pour les adultes. La Vie sauve, écrit avec Lydie Violet, a obtenu le Prix Médicis Essai en 2005. Marie DESPLECHIN s'intéresse à de multiples domaines et travaille avec des artistes de différentes disciplines, comme Carolyn Carlson pour la création du spectacle «Le Roi penché». Elle a étudié les lettres classiques et le journalisme et travaille toujours pour la presse.
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30/10/2010
Panthère (C. HIAASEN)
« La veille de la disparition de Mrs. Starch, ses élèves de biologie entrèrent comme toujours en silence et en traînant les pieds dans sa salle de classe. »
Elèves de la très select école Truman, Nick et Marta ont participé à une sortie nature dans le Black Wine Swamp, en Floride. Résultat ? un incendie qui a écourté la sortie et un professeur qui a disparu. Mais pas n’importe quel professeur : le plus sévère, le plus antipathique, le plus redouté, la terrible Mrs. Starch ! Pourtant, les deux adolescents ne peuvent se résoudre à rester inactifs face cette disparition ; de surcroît, Nick a bien cru apercevoir une panthère durant la visite. Espèce protégée en Floride. Mais espèce bien ennuyeuse pour un promoteur texan qui compte démarrer des forages pétroliens…
Loufoque, empli de personnages farfelus quand ils ne sont pas complètement frappadingues, le roman de Carl HIAASEN est dense mais semble partir dans tous les sens. D’un côté, c’est une histoire d’ados qui jouent aux détectives du Club des Cinq, de l’autre, c’est un roman policier avec gendarmes et voleurs. Enfin c’est un plaidoyer pour la défense de l’environnement.
Le résultat donne un roman hybride, destiné a priori à de jeunes adolescents, mais qui sera peut-être un peu difficile pour eux.
Wendell Waxmo regagna le bureau et brandit le manuel de Mrs. Starch.
- Très bien, allez tous à la page 117.
Les élèves restèrent immobiles. Ils croyaient à une plaisanterie, mais non.
- Qu’attendez-vous donc ? leur dit-il d’un ton sec.
- Ce n’est pas le livre d’espagnol, Dr Waxmo, fit Libby Marshall d’une petite voix, mais avec courage.
- On a dépassé la page 117 depuis longtemps, fit Rachel en élevant la voix.
- Ah, bon ?
Un semblant de sourire éclaira le visage du professeur.
- Il est évident qu’aucun d’entre vous n’a jamais fait l’expérience d’assister à mes cours. Autrement, vous sauriez que le lundi, j’enseigne toujours la page 117 – et uniquement la page 117 – quelle que soit la matière.
Nick dut se mordre la lèvre pour ne pas éclater de rire.
- Un peu plus tôt dans la matinée, par exemple, à l’externat Egmont, j’ai remplacé Miss MacKay pour son cours supérieur d’histoire mondiale, fit Wendell Waxmo. Quand la sonnerie a retenti, chaque élève avait pratiquement mémorisé la page 117 de son livre d’histoire. Et c’était une carte de l’Empire romain !
Les remplaçants étaient souvent siphonnés, mais celui-ci entrait dans une catégorie spéciale.
Carl HIAASEN, Panthère.
Gallimard Jeunesse
368 pages – 13,50 €
Titre original : Scat – Paru en 2009 – Traduit en français en 2010
L’auteur : Carl HIASSEN est né et a grandi en Floride. Il a commencé à écrire dès l'âge de six ans, lorsqu'on lui fit cadeau d'une machine à écrire. Depuis 1979, il travaille au Miami Herald comme journaliste d'investigation et éditorialiste. C'est par ailleurs un romancier à succès qui a déjà écrit neuf romans pour adultes, qui tous se situent en Floride. Il est un des auteurs les plus drôles d'aventures policières et met son talent à dénoncer les dérives de la société ainsi qu’à lutter pour la préservation des beautés naturelles et sauvages de son pays. Deux de ses romans jeunesse ont déjà été publiés en français : Chouette et Comme un poisson dans l’eau.
Site : http://www.carlhiaasen.com/index.shtml (en anglais)
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12/08/2010
Le livre du temps - La Pierre sculptée (G. PREVOST)
« Samuel se laissa tomber en grommelant sur son lit : aucune envie de sortir.»
Samuel Faulkner vit avec son père depuis le décès accidentel de sa mère. Libraire, ce dernier s’absente souvent pour partir à la recherche de livres rares. Le problème, c’est qu’il n’a jamais laissé aussi longtemps son fils sans nouvelles que cette fois-ci. Décidé à partir à sa recherche, Sam va découvrir au fond de la cave une mystérieuse pierre qui a le pouvoir de faire voyager. Dans le temps.
Roman d’aventures, roman policier, roman fantastique, La Pierre sculptée est tout cela à la fois. On se laisse très facilement entraîné à la suite de Sam pour découvrir l’Irlande au dixième siècle, l’Égypte ancienne ou encore Bruges au temps de Van Eyck.
A la fois érudite et divertissante, l’écriture de Guillaume PREVOST sonne parfaitement juste, familière juste ce qu’il faut pour la crédibilité de ses personnages adolescents sans toutefois trop en faire. Les descriptions sont justes et vivantes, l’action bien menée, ce premier volume de la trilogie est une réussite.
Qu’est-ce qui lui était arrivé ? Et ses vêtements ? Où ETAIENT SES VETEMENTS ? Son jean, son tee-shirt ? Il n’avait plus sur lui qu’une espèce de chemise de nuit grossière, trempée de sueur, qui lui couvrait les bras et les jambes. Et qui le grattait, au passage. Et ses brûlures ? Il sentait encore la morsure du feu qui l’avait consumé lorsqu’il avait touché la pierre. Une torche humaine, pas moins… Et pourtant, sa peau était miraculeusement intacte, aussi rose que celle d’un bébé. Comme si tout cela n’avait été qu’un rêve.
Guillaume PREVOST, Le Livre du temps – La Pierre sculptée.
Gallimard Jeunesse
236 pages – 14,50 €
Paru en 2006 – Sorti en poche en 2008 chez Folio Gallimard
L’auteur : Guillaume Prévost est né en 1964 à Antananarivo, sur l'île de Madagascar. Ancien élève de l'École normale supérieure, professeur agrégé d'histoire, il enseigne dans un lycée de la région parisienne. Il a collaboré à la chaîne « Histoire » et écrit divers ouvrages spécialisés avant de se lancer dans la littérature. Nourries de sa passion pour l'histoire, ses fictions développent aussi un art consommé de l'intrigue policière. Le Livre du temps, son premier texte destiné à la jeunesse, mêle la grande aventure aux tableaux historiques les plus saisissants. La Pierre sculptée, le premier tome de la trilogie, connaît un vif succès, y compris au-delà des pays francophones, notamment au Royaume-Uni, en Thaïlande, aux États-Unis, en Chine, en passant par l'Espagne et le monde latino-américain.
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14/06/2010
Vango (T. DE FOMBELLE)
« Quarante hommes en blanc étaient couchés sur le pavé. »
Paris, avril 1934. Un jeune homme de seize se prépare à être ordonné prêtre, mais un événement, brutal et inattendu, va venir tout faire basculer. C'est le début d'une errance, à travers le temps et l'histoire, depuis les îles éoliennes jusqu'en Amérique...
Peu à peu, le narrateur va nous reconstituer l'itinéraire de Vango, orphelin recueilli avec sa gouvernante sur l'île de Salina : son enfance, le mystère qui plane sur son arrivée, puis ses départs, ses rencontres et ses découvertes. Magnifique roman initiatique, Vango se clôt sur une promesse, celle d'un prochain tome : Un Prince sans royaume.
C'est à une plongée vertigineuse dans la première moitié du vingtième siècle que nous invite Timothée de FOMBELLE avec son roman. Son héros est magnifique, meurtri, seul, et cependant protégé par une multitude de personnages mystérieux qui se dressent au fil de ses chemins. Les personnages qui viennent à sa rencontre sont extraordinairement humains, originaux, un peu marginaux avec leur façon de suivre leur route, et l'ensemble crée un univers où il fait bon se complaire. Même si cet univers est à feu et à sang : la guerre de 14, la montée de Staline, tous ces fils s'entremêlent, créant une confusion où l'on pressent que la clef est Vango, lequel ne le sait pas lui-même...
L'écriture de Timothée de FOMBELLE est une écriture de voyageur, à l'instar de son personnage éponyme. La langue est riche, ciselée et polie comme un petit galet que l'on aurait ramassé sur une plage et que l'on garderait précieusement au fond de sa poche, la tâtant de temps en temps pour vérifier qu'elle est toujours là. L'histoire est un tourbillon d'aventures, humaines, romantiques, poétiques, cruelles, et c'est un bonheur de s'y immerger.
Vango poussa sur la pente de ce volcan éteint.
Il y a trouva ce dont il avait besoin.
Il grandit avec trois nourrices : la liberté, la solitude et Mademoiselle. A elles trois, elles firent son éducation. Il reçut d'elles tout ce qu'il croyait possible d'apprendre.
A cinq ans, il comprenait cinq langues mais ne parlait à personne. A sept ans, il grimpait les falaises sans avoir besoin des pieds. A neuf ans, il nourrissait les faucons qui plongeaient sur lui pour manger dans sa main. Il dormait torse nu sur les rochers avec un lézard sur le cœur. Il appelait les hirondelles en sifflant. Il lisait des romans français que sa nourrice achetait à Lipari. Il montait en haut du volcan pour se mouiller les cheveux dans les nuages. Il chantait des berceuses russes aux scarabées. Il regardait Mademoiselle couper les légumes avec des facettes impeccables comme on taille les diamants. Puis il dévorait sa cuisine de fée.
Timothée de FONTBELLE, Vango.
Gallimard Jeunesse
271 pages - 17€
Paru en 2010
L'auteur : Timothée de Fombelle est né en 1973. D'abord professeur de lettres, il se tourne tôt vers le théâtre. En 1990, il crée une troupe pour laquelle il écrit des pièces qu'il mettra lui-même en scène. Depuis, il n'a cessé d'écrire pour le théâtre.
Sa pièce Le phare, écrite à dix-huit ans, est traduite et jouée en Russie, Lituanie, Pologne et au Canada. Son texte Je danse toujours (Actes Sud) a été lu à l'ouverture du festival d'Avignon, en 2002. Tobie Lolness - La vie suspendue est son premier roman, publié en 2006 et traduit en vingt-six langues. Suivront la suite, Les yeux d'Elisha, en 2007, puis Céleste, ma planète, en 2008.
Autre extrait : La cuisine de Mademoiselle
SELECTIONNE POUR LES PRIX DES INCORRUPTIBLES 2011-2012 - CATEGORIE 5°-4°
15:19 Publié dans Historique | Lien permanent | Tags : fombelle, vango, histoire, voyage, initiatique, ethel, gallimard jeunesse, incorruptibles | | Facebook | |